Il a pris le large. Il marche depuis des mois. Il entre dans Il Loggiato prendre un peu de repos et un café. Là se trouve une femme qu’il a connue, peut-être une vue de l’esprit due à l’épuisement. Elle s’efforce de le convaincre qu’ils ont rendez-vous, précisément pour faire de sa fuite un sujet de conversation ou de création.
Un script lacunaire, quelques consignes, la rencontre peut se réécrire sans cesse, comme le creuset où se mélangent le réel et l’imaginaire. À la différence d’une mécanique implacable à la Morel ou Canterel qui ordonnerait le récit sur un temps fictionnel linéaire, le réel circule dans la partition proposée par Yves Chaudouët, s’immisce dans le temps suspendu de la représentation. Champ, contre-champ et hors-champ, relèvent de la décision instantanée des acteurs.
Nourrie de séjours, échanges, essais (dont un film intitulé La joueuse), voyages communs, l’invitation adressée par Yves Chaudouët à Valérie Dréville et Yann Boudaud éclot ici en un acte réflexif sur ce qui advient. Il Loggiato devient à la fois lieu de la « répétition » d’instants perles, fécondation du réel par le dire, une peinture de l’Annunciazione.