C’est une femme et qui cueille des abricots. Ce sont des abricots oranges, ils ont une chair, une forme, ont une empreinte précise à l’intérieur de la main. Simon Rayssac peint le matin, ou alors en journée, cela dépend du où il est quand il peint. Il y a un homme assis, cet homme vit. Il a la responsabilité d’un champ, d’une terre, des saisons de la terre. Il est habillé de bleu, l’un de ses outils est une faux. Celle-là même qui. Cet homme assis, habillé de bleu, n’a pas de visage. Ne donne pas son visage, trop singulier, à l’exploration universelle de Simon qui peint depuis trois ans, depuis toujours. Le matin donc, et le reste du jour. Un cheval se promène et tout le monde se souvient. Il y a la croupe bien ronde des ongulés sur les parois, il y a les sioux, il y a le regard de l’animal, sa transition perpétuelle (il est celui qui me meut), sa noblesse, ma liberté. Il n’y a pas de toile, il n’y a pas de souvenir, il n’y a pas de fait, il y a à peine un geste et il est fort. Je suis choquée comme lorsque j’ai eu peur de tomber après avoir trébuché. Le cheval a déjà été bleu.
Lorsqu’il est passé au format plus fort, Simon a fait une étape à l’encre noire sur fond blanc. Il nous a montré les coulisses, les entrailles. Ce n’était pas joyeux mais pas non plus délirant et la matière tout à coup légère fut zébrée comme le ciel quand l’orage terrasse les sommets. C’est une peinture qui ne vieillira jamais. Ensuite les choses se collent, occupent les espaces, trahissent tous les vides, se tassent. Une force en série, quand Simon peint. Il prend une idée, un souvenir, une impression. Il tient quelque chose, il transforme, ça devient autre. Ça part de là pour aller là et ça ne nous intéresse pas. Il reprend là pour aller là. Il y a une phrase, l’herbe qui pousse, son bruit. Il y a le temps, le cœur encore qui chavire. Gouache sur format A4. Huile ou encre. Acrylique. Une table pour les matières. Des murs, les toiles. Souvent deux en parallèle pour pratiquer l’exercice. Quand la lumière tombe des verrières de l’atelier, quand ça se déplace. C’est toujours grand jour, même si le ciel se fait blanc. Le territoire des origines est sauvage mais les rayons traversent les branches comme ici.
Remonter.
La main ne parle pas des cavernes puisqu’elle en vient, puisqu’elle y est. Et nous avec elle. La main s’agite un peu, le cerveau pense. C’est tout ce rassemblé, comprimé qui s’exprime. C’est le vertige, le néant, le il n’y a rien à présent, jamais rien, plus rien, il n’y avait rien non plus avant. C’est toujours très éclatant. Simon tient, nous voyons.
Les toiles ne font pas justice, ne prétendent à rien, encore. Ne résolvent rien.