End of Year Show III c’est en décembre.
C’est là où se retrouve la famille, quand les enfants ont préparé une pièce entre le rôti et le dessert, qu’il y a un oncle qui s’essaie toujours à l’exigeant exercice de l’imitateur politique, une mauvaise version, qui pourrait être convaincante si elle n’était surjouée, que l’on doit applaudir l’écriture du petit dernier et composer avec les remarques sarcastiques d’un doyen.
C’est quand chacun se regarde et chacun se sait vu.
C’est un décor de fête, le décor d’un récit invisible où tout tient en équilibre.
Dans ces formes comme dans ces allusions, le sens oscille entre un élément reconnu, une association d’idées évidente qui retombe quand on change d’angle.
C’est un jeu de construction mental dans lequel les personnages, les didascalies, la chorégraphie de plateau se situe dans la projection, la prospection, la supposition des attitudes.
Il y a des symboles, des choses que l’on retrouve ailleurs dans le travail comme ces formes de stalactites qui avaient émergé lors des essais 3D de Maman Maniériste II, inspirées directement des fausses grottes dans les jardins paysagers, le style grotto venu d’Italie. S’il se combine à Maman c’est autant parce qu’il se marie très bien aux bassins des jardins à la française qui la composent chaque fois, que parce qu’il appelle la cascade pétrifiante qui se déploie dans le jardin du moulin familial où habitent la vraie maman et moi-même. Ce sont nos grottes, des bouts de traduction en signes de notre environnement pour devenir éléments symboliques d’un décor global ici proposé à tous.
Il y le sanglier, la hure, cette tête présente dans le conte et les apparats du Caylus Culture Club, ainsi que les plumes de pigeons que l’on retrouve sur les masques. La fontaine et les têtes d’animaux en papier mâché sont apparues dans End of Year Show II l’année dernière.
Le papier mâché est aussi quelque chose très lié à mon enfance ; mon père organisait un carnaval et un festival chaque année dans un petit village à côté de Toulouse, où de grandes structures - chars et décors - étaient entièrement faites de papier mâché. Nous étions plein d’enfants du village à venir recouvrir les structures le week-end, des poubelles remplies de colle et des morceaux de journaux partout, on avait le droit de se salir, les mains étaient gluantes, c’était notre participation au spectacle. La peinture était réalisée par ceux qui savaient...
Une grande structure comme faisaient les grands, j’entre dans le monde adulte en sortant du carton, de la maquette dans la miniature. D’adulte de culture populaire qui va pouvoir concevoir symboliquement son propre char, sa propre caricature qu’on brûlera peut être à la fin comme on le faisait de madame ou monsieur carnaval souvent à l’effigie d’une personnalité politique. Cette représentation était à la fois l’hiver, que l’on brûlait pour en venir au printemps, et un exutoire iconoclaste. On brûlait un être malfaisant ou ridicule pour entrer dans une nouvelle ère. Nous détestions cet être, les enfants lui jetaient des pierres, et quand il s’effondrait dans le bûcher tout le monde applaudissait. Et pourtant tous se revendiquaient quasi anarchistes, marginaux arrivés de la ville dans les années 80, totalement athées... mais le symbolique était là, on l’inculquait aux enfants par la fête et le rite populaire. Il y avait une foi temporelle en l’incarnation dans un être de grillage et de journal pour ajouter du sensationnel, du spirituel, du mystique à la célébration. [...]
Lou-Andréa Lassalle-Villaroya
Texte d’intention de la recherche (extrait)