2024
Exposition personnelle
Pile Pont, Saint-Gervais-les-Bains
L’histoire des sciences, notamment du vivant, a montré depuis ses débuts avec les cabinets de curiosités, que l’accumulation, le dénombrement et les singularités pouvaient cohabiter et trouver du sens. L’infinie variété des possibles semble être l’un des ressorts des séries de Florian de la Salle. Mais lorsque ces chromatographies sont réalisées sur du papier buvard, en très grand, une autre dimension surgit. Ces papiers buvards ont une origine industrielle et une fonction très importante dans le monde de la connaissance et de la culture. Ce sont des papiers spécialement fabriqués pour protéger les archives papiers dans le monde contre les risques d’inondations, de dégâts des eaux, etc. Alors les imprégner d’encre révèle la dynamique intérieure de ces supports. La décomposition des couleurs contenues dans l’encre noire dessine les lignes, des crêtes, des ondulations chaotiques. Lorsque nous regardons ces immenses lés de papiers, comme ceux montrés au Centre d’Art de Saint Gervais, Pile-Pont, nous ignorons si le processus est achevé, le papier définitivement sec. Les couleurs semblent figées mais rien ne le prouve. Le support de protection est envahi ; il joue son rôle mécanique et presque vivant d’absorption. Sur les grands format (30m x 2m), l’effet est d’autant plus puissant. Cet univers à mi-chemin entre le mécanique et le vivant apparaît avec évidence parce que les motifs expriment des paysages foisonnants. La tranche basse est noire puis s’élèvent des nuances de verts puis de bleus dont certains n’atteignent pas le sommet et laissent un blanc immaculé dessiner presque un ciel d’hiver.
Jérôme Diacre, extrait de Le fou prend la tour, 2024
Crédits photographiques : Atelier Boris Molinier-Victor Dubois