Qu’il s’approprie les codes des publicités des années 1950, le dessin rond des studios Walt Disney ou une photo de Diane Arbus, qu’il dessine dans Picsou Magazine ou voit un de ses films présenté au festival de Cannes, Vincent Paronnaud (Winshluss) adopte la même démarche, subversive et pyromane. Cet artiste pluridisciplinaire, touchant au dessin, à la céramique, au film ou à la musique, n’aime rien d’autre que recycler les objets artistiques appartenant à la mémoire collective. Ainsi, il peut dans un premier temps rassurer le public – celui-ci croit être en terrain connu – avant de lui asséner une claque. Car, au lieu de contenir des sucreries ou des jouets, ses piñatas si attirantes et colorées déversent sur l’assistance des idées noires, critiques de la mondialisation ou de notre société de consommation. Mais - politesse de sa part - il n’oublie jamais d’adoucir l’expérience en ajoutant une touche d’humour ou donnant à ses travaux une dimension ludique qui permet de mieux faire passer messages et névroses.
Winshluss - comme il s’est lui-même surnommé - s’est construit loin de la culture officielle, expérimentant d’abord dans l’underground. Ses premières bandes dessinées le voient investir avec une jouissive férocité l’univers de Mickey (Super Negra) ou détourner constructivisme russe et science-fiction kitsch pour Monsieur Ferraille, personnage de robot inventé avec son complice Cizo. Smart Monkey (éditions Cornélius), plus tard adapté en court-métrage, le voit revisiter avec beaucoup d’humour noir la théorie de l’évolution de Darwin. Mais c’est avec Pinocchio (les Requins Marteaux, prix du meilleur album au festival d’Angoulême) qu’il se livre à l’opération de mystification la plus impressionnante. En effet, il montre très peu de respect envers le roman de Carlo Collodi. Il a en effet basé son adaptation sur un vague écho indirect, le souvenir de la vision, enfant du long-métrage signé Disney. Du schéma narratif initial – le pantin qui prend vie – il n’a gardé que le minimum, pervertissant ensuite cette enveloppe pour obtenir une grinçante satire. [...]
Texte de Vincent Brunner, 2018 (extrait)
Commande de Documents d’artistes Nouvelle-Aquitaine
Œuvres de l’artiste dans les collections publiques du réseau Videomuseum
Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA