Peindre au tableau noir
Allez me faire une peinture au tableau noir ! C’est l’ordre qu’aurait pu donner un maître d’école fou, ordre auquel Michel Herreria a choisi d’obéir. Le peintre se sert donc d’une craie blanche, un outil ultra-simple aux prises avec l’ultra-savant de la peinture. Un peintre a besoin de se poser un handicap majeur qu’il surmonte en créant sa technique picturale, révolutionnaire si possible. Celle d’Herreria commence à la paralysie du gosse devant l’intimidant tableau de classe, dont les formats de ses peintures sur papier reprennent les énormes dimensions. La matrice de ces pièces paraît être la trouille de manquer de questions, face aux multiples univers mieux-disants qui composent l’actuel meilleur des mondes.
À un être de parole tel que l’homme, la peinture qui lui correspond, — une contemporaine et rivale puissance de dire.
Dire autrement, avec des couleurs qui préservent leur qualité salissante, la capacité de maculer, du meilleur usage pour souiller des habitudes. Discourir, mais dans la langue indiciblement mélancolique des graffitis, toujours ultimes. Il y a là comme un Art Brut à la hussarde, comme un Philip Guston soluble dans Honoré Daumier, et tout autant du Francis Bacon géomètre chez Alfred Jarry. Le style adéquat pour afficher le pathologique à sa véritable échelle : le hors d’échelle.
C’est une grande tradition cruelle qui se remet à la peinture, au formidable discours que sait tenir la peinture, lequel épouvante et réserve la joie de rire.
Hugo Lacroix
Painting at the blackboard
Do me a painting on the blackboard ! This is the kind of order a mad teacher might give, but it’s one that the painter Michel Herreria chose to obey. He took up a stick of white chalk, an ultra-simple instrument getting to grips with the ultra-sophistication of painting. A painter needs to set himself a major obstacle which he overcomes in the course of developing his pictorial technique – revolutionary, if possible. That of Herreria began with a young kid paralysed in front of the intimidating blackboard, whose dimensions are reproduced in his paintings on paper. The matrix of these pieces would seem to be a fear of lacking questions, faced with the multiple higher-bidding universes that make up the current best of all possible worlds.
To beings of words, such as people, there is the corresponding type of painting – a contemporary, rival power of saying.
To say, otherwise, with colours that conserve their staining quality : a tendency to make splotches ; the best for sullying habits. Holding forth, but in the inexpressibly melancholic language of graffiti, always ultimate. It’s something like a rough and ready form of outsider art. Like a certain Philip Guston, soluble in Honoré Daumier ; or equally, Francis Bacon, a surveyor of Alfred Jarry. A suitable style for displaying the veritable scale of the pathological : the off-scale.
It’s a great, cruel tradition that reverts to painting, with the formidable discourse in which painting can engage ; which horrifies, and reserves the joy of laughter.
Hugo Lacroix
Translated by John Doherty, 2014