Malgré les logiques propres de la science, de la technique, du commerce et de l’art qui tentent de les isoler, l’artiste, l’artisan et l’alchimiste partagent le même monde qu’ils s’emploient à changer Tous trois s’approprient les éléments qui constituent cet univers : de l’eau à l’air, du feu à la terre. Ils les travaillent, les copient, les maltraitent, les honorent. Alexia Chevrollier l’a compris et son Soulèvement est la rencontre de l’intentionnalité de l’artiste, du geste de l’artisan verrier et de la fascination de l’alchimiste pour la transformation.
Des quatre éléments qui forment le monde, c’est évidemment à l’eau que l’on pense devant la sculpture d’Alexia Chevrollier. Translucide, incolore, irrégulière, parcourue d’air et de soleil, lancée – déchaînée – à l’assaut d’une réalité qui n’y est pas préparée, puis cristallisée par la main de son maître d’oeuvre, le verrier Stéphane Pelletier. L’œuvre d’art et l’eau ont en commun leur rareté. Certes, on n’a pas besoin de l’art pour survivre. Certes, à l’inverse de celle de l’eau, sa valeur d’usage est bien moindre que sa valeur d’échange. Cependant, la spéculation dont l’eau et l’art font l’objet relève d’une même logique capitaliste, qui s’appuie sur une pratique de confiscation. Or, que nous promettent l’artiste, l’artisan et l’alchimiste lorsqu’ils nous présentent le résultat de leur travail ? Qu’implique leur geste lorsqu’il débouche sur l’exposition, la mise à disposition, la restitution ? Qu’il y aura un avant et un après leur oeuvre. Que notre vie, à défaut de changer radicalement, ne sera plus la même.
Il faut donc maintenant reposer ses yeux sur Soulèvement et se dire, face à cette sculpture aussi puissante que fragile, que l’eau fait littéralement exploser le verre lorsque celui-ci est travaillé haute température. Qu’avant d’être incolore et dure, la matière qui formait cette pièce était d’un rouge incandescent et coulait. Que ce liquide visqueux et brulant, ô combien dangereux pour l’homme, serait purement et simplement détruit si son chemin croisait celui de l’élément qu’il semble aujourd’hui représenter.
Qu’a fait Alexia Chevrollier ? Elle n’a pas changé le plomb en or, ni l’eau en vin, mais elle a stoppé le torrent fou de la lave. Sans une goutte d’eau, elle a pourtant figé l’eau d’une cascade, l’a rendue solide, lui a donné une forme. Elle y a scellé la vie, symbolisée par ses bulles qui laissent penser qu’on y a expiré – oui, expiré. Soulèvement est une eau forte et pourtant capturée. Une eau que l’on peut déplacer, transporter, retourner, exposer. Une eau dont on sent la puissance comme pétrifiée à la sortie d’une bouche métallique, sillonnée de part en part par le geste de l’artiste comme le sont les plaques utilisées pour les eau-forte. Acide nitrique, lave de verre, eau : liquides complices de l’artiste, de l’artisan et de l’alchimiste afin de procéder à la transformation du monde. Alexia Chevrollier nous présente comment elle souhaite y prendre part.