« Il y a cette histoire de commode Louis Caisse. Ce qui est important est que la commode, l’objet familier, est en train de disparaître devant nous, bouffée par ce début de multitude, cette armée de boutons immobiles, cloués, installés. La commode a l’air de se laisser faire ou plutôt de ne plus rien tenter car il est trop tard, elle ne les a peut-être pas vus venir, elle ne peut plus rien contre eux, contre cette main qui a commencé le travail et qui, assurément, a commencé à clouer sur ses façades les boutons de toutes factures, et les a installés. La commode devient un objet d’art qui doit transmettre une idée de l’art, de la vie aussi, de l’art dans la vie, une version de nos attentes, qui nous attire définitivement. Cet acte n’est pas un acte décoratif, comme rien ne l’est dans le travail de Chantal Raguet, c’est un envahissement, une explosion souterraine, une vengeance peut-être ou une déclaration de guerre, une dénonciation. Mais cet acte peut aussi ne servir à rien, seulement une idée, et c’est cela aussi qui fait de cette commode un objet tout à coup remarquable. Chantal Raguet, elle, connaît le danger et sait très bien se convaincre qu’il y a toujours un moyen pour se servir de ses impacts et les transformer en annonces irréductibles puisqu’elle sait que l’art est un jeu tordu qui ne laisse rien au hasard. »
Georges Tony Stoll
Extrait du catalogue Jeunisme 1, Frac Champagne-Ardenne