Béranger Laymond

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Benoît Lamy de la Chapelle

Depuis plus d’une dizaine d’années, les sculptures et installations de Béranger Laymond se disséminent dans les espaces d’exposition pour donner corps à une certaine idéologie occidentale, ses promesses non tenues et ses conséquences sur la psyché humaine. Fasciné par les utopies déchues et les environnements clos, l’artiste semble reproduire ce qui tourmente les esprits habités par la peur de l’autre, le doute de soi, l’insécurité, l’inquiétude face à l’ignorance et le mensonge des appareils de pouvoir. Béranger Laymond trouve son inspiration dans les sociétés malades, paranoïaques et schizophrènes dépeintes dans les films d’horreur des années 60, 70 et 80. Aussi, chacun de ses projets se modèle à partir d’atmosphères cinématographiques envoutantes, par l’appropriation ou la reproduction de leurs ambiances culturellement codées, happant le visiteur, et l’introduisant dans les tréfonds du subconscient. L’artiste s’appuie parfois sur un principe de réduction d’échelle pour que s’interpénètrent différents mondes, en usant des techniques du modélisme. Ramenées à des échelles offrant une position de surplomb aux regardeurs, ces sculptures séduisent et rassurent en un sens. Pourtant, de part leurs matérialité et émanation visuelle, une impression de malaise surgit, déplaçant le curseur du pastiche de l’industrie du spectacle vers un sentiment d’inquiétante étrangeté. À d’autres occasions, l’artiste s’extrait de l’échelle miniature pour investir l’espace à l’échelle 1. Très marqué par ses expériences en scénographie, Béranger Laymond a rapidement utilisé ses capacités dans ce domaine pour composer des environnements scéniques à parcourir physiquement. La narration découlant de ses œuvres pétries d’effets dramatiques, de même que sa générosité sculpturale concourent à l’inclusion du visiteur qui, directement impliqué dans l’oeuvre, se trouve confronté aux spectres invoqués par l’artiste.

Si les œuvres environnantes ou le volume sont apparus durant ces années comme prépondérants dans la démarche de Béranger Laymond, l’artiste n’a cependant jamais exclu la peinture. De même que sa démarche a pu nécessiter un travail d’enquête essentiel à la réalisation de tous ses projets, il a scruté les innovations picturales de ces dernières décennies. Cette recherche est apparue récemment comme une opportunité pour explorer ce medium. Ses créations se propagent alors sur des surfaces planes pour laisser libre court à d’étranges et généreuses formes organiques, à des enchevêtrements et irruptions de couleurs. Sa méthode faite de repentirs, de superpositions et d’omissions, par laquelle cohabitent lyrisme et classicisme, atteste de son souci de sculpteur pour les systèmes de dégradation de l’information, la manipulation et les sentiments de solitude. Abstraites d’apparence, ces peintures laissent deviner des paysages peuplés de phénomènes gazeux et de liquides, ou des parties de corps. Elles apparaissent d’une grande vitalité grâce à des effets de contrastes, des coloris acidulés et chatoyants. Il s’en dégage des effets vibratoires témoignant d’une grande activité endogène, qui ont certainement conduit l’artiste à faire saillir certaines de leurs formes hors de la surface, pour produire des sortes de reliefs ou méplats, laissant peu à peu la sculpture évoluer vers une manière davantage picturale.

Benoît Lamy de la Chapelle

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