Vitrine, 2012

Avec le développement de la publicité, les mots envahissent l’espace urbain dès la seconde moitié du XIXe siècle. En 1871, Rimbaud compose Paris, un poème dont chaque mot a été tout d’abord lu et recueilli sur les murs de la ville. Aujourd’hui, les rues sont saturées de mots et d’images, qui nous frappent au hasard de nos parcours. Au bas de la baie vitrée du local temporaire d’Image / Imatge, 11 rue Jeanne d’Albret à Orthez, à l’étage, se distinguent les traces de l’ancienne vocation du lieu. Les trous de fixation d’une enseigne au néon, déposée il y a plusieurs années, laissent deviner : « TISSERIE ». Depuis 2004, date à laquelle j’ai repris une pratique artistique, l’un des sujets récurrents que je photographie est les mots inscrits dans l’espace public. Je les enregistre précisément, de manière descriptive – une constante dans mon travail. Ils valent tous pour eux-mêmes, apparaissant usés par les habitudes de la communication et leur ressassement, et en même temps revitalisés, car délestés de leur contexte publicitaire ou informatif, qui tend à les vider de leur pluralité de sens. Leur usure matérielle est également visible, leur support étant souvent rayé, taché, ou couvert de poussières. Pour la vitrine du local temporaire d’Image / Imatge, je propose un assemblage de 36 de ces images de mots, chacune isolée des autres par une bordure de couleur. L’ensemble renvoie dans sa forme aux poèmes et montages typographiques des avant-gardes de l’entre-deux guerres, ou aux productions de la poésie concrète. Pour autant, il est composé d’images actuelles, précises, à caractère documentaire. Elles convoquent différents registres d’inscriptions urbaines : publicité, communication institutionnelle, et graffiti, assemblés sans hiérarchie entre eux. Elles montrent des signes de notre temps – de ses inquiétudes, de ses contestations, de ses espoirs, ou de ses désirs. Elles témoignent aussi de la variété des méthodes et supports employés aujourd’hui dans la communication graphique, qui, par l’essor des technologies numériques, a bouleversé en quelques années la physionomie des rues. L’assemblage construit un paysage urbain, comme le condensé d’une marche de plusieurs heures dans une ville qui n’existe pas, mais qui rappelle toutes celles que nous connaissons.

Vitrine, 2012
36 photographies imprimées sur vinyle adhésif, 218 x 300 cm
Exposition personnelle, Centre d’art Image/Imatge, Orthez
Vitrine, 2012 (détail)
Vitrine, 2012 (Vue de l’intérieur)
36 photographies imprimées sur vinyle adhésif, 218 x 300 cm
Exposition personnelle, Centre d’art Image/Imatge, Orthez