Dans ses photographies, ses vidéos et ses dessins, Benoit Pierre s’engage dans une représentation du monde auquel il voudrait restituer ses sensations de densité. Son regard sur le réel lui parle en effet de tout autre chose que l’apparente fluidité rapide et légère du temps qui passe. Dans ses images, c’est l’épaisseur qui resurgit, sa complexité, ses structures invisibles. Et des secrets se livrent parfois à force de regards, une sorte de révélation soudaine ou lente, unique ou répétitive, qu’il existe des êtres singuliers que nul ne prévoyait, que rien ne programmait. Ils s’imposent soudain avec évidence, tantôt dans l’immédiateté de la prise de vue, tantôt dans la répétition des silhouettes identifiées progressivement dans les rushs, tantôt dans l’épanouissement offert par la lenteur des ralentis. Ces êtres alors sont là, pleinement, évidemment. Ils emplissent l’image, son image. D’invisibles, ils sont devenus, par la grâce de la captation, immensément présents. Ils disent la singularité de l’être, sa force de résistance.
Laurent Quénéhen
Texte de présentation de l’exposition aux Salaisons, juin 2010
Hommage rendu le 30 septembre 2009 par les belgradois à Brice Taton {note}1 sur la place de la République.
Panoramique photographique, tirages numériques sur forex, dim. 4 x 1,5 m.*
La dame de Compiègne
Évocation du mystère de la vie à travers le visage d’une inconnue. Il est douceur, appel à la caresse, le temps s’étire et se suspend. Frôlement du regard ou bien des corps, dans le café de la gare de Compiègne, elle est une apparition. Et le chant incantatoire et vacillant du clochard survient comme une errance (un appel ?). Il y a une rencontre invisible, une rencontre à venir qui n’en finit pas de ne pas encore se produire mais dont la magie est imminente. Ou une rencontre si belle que sa magie agit encore. On ne sait pas très bien.
Benoit Pierre, août 2001
1Brice Taton est un supporter du Toulouse Football Club, né le 1er mai 1981, violemment agressé le 17 septembre 2009 à Belgrade en marge du match de football entre le Partizan Belgrade et le Toulouse FC et décédé douze jours plus tard des suites de ses blessures, le 29 septembre 2009, à 28 ans.