2018
Exposition personnelle
Université Poitiers, Département Philosophie, Poitiers
À la cuisson, l’émail se retire des arêtes et le blanc de la porcelaine réapparaît. Les volumes ainsi que les couleurs des parallélépipèdes reprennent ceux d’encyclopédies qu’affectionne et collectionne l’artiste. Le titre fait écho à un motif décoratif de l’architecture grecque classique dont l’origine est fonctionnelle : les gouttes représentaient les chevilles qui solidarisaient la charpente à l’entablement. Reproduites plus tard en pierre à des fins décoratives, les gouttes illustrent le passage de la technique à l’ornement. Ayant perdu leur fonction, leur forme demeure et en elle est inscrit le souvenir d’un système de construction.
Sans renier un rapport charnel à la matière, Florian de la Salle revendique en effet un désengagement du processus de création. Il met en place un « protocole » d’expérimentation pour lequel, à la manière d’un scientifique observant un phénomène, il met entre parenthèses l’implication subjective {note}1 de l’artiste dans le faire et trouve/occupe une position tierce d’observateur, en attente de l’avènement du fait d’art. Le geste artistique, s’il en est, devient la geste ; l’observation rigoureuse d’une épopée, dans un minuscule cylindre de porcelaine ensemencé de sels minéraux ou dans une feuille de papier buvard, tient lieu de fabrication. L’homo faber – qui crée tout de même les conditions pour que la chose advienne – devient homo testis, se porte témoin des faits qui se produisent au cours de l’expérimentation. L’ouvrage donné à voir au regardeur résulte et fait trace d’une aventure qui, par définition, échappe à son regard.
Michel Jeannes, extrait de Florian de la Salle ou le subjectif entre parenthèse, janvier 2020
Les Monotypes constituent un zoom sur ce détail des arrêtes du projet Les gouttes. Ce travail a été entamé en 2018 en petits formats, et développé en grand format en 2021.
Sauf mention contraire, les textes de cette page sont de Florian de la Salle.
Crédits photographiques : Christian Vignaud
1Nous nous référons ici aux travaux du biologiste et cybernéticien chilien Umberto Maturana qui parle, lui, de la mise entre parenthèses de « l’objectivité », la réalité étant une construction mentale de l’observateur. L’artiste engageant ou étant censé engager sa subjectivité dans ses travaux, nous inversons la proposition initiale.