Mathias Mareschal

vu par

Laëtitia Toulout

Paysages décelés

Sur des morceaux de papiers dépliés, tissus froissés, fragments de roches et céramiques, se déploient des ensembles de nervures, tâches floues et bruits, reliefs et pointillés… Une multitude de formes qui peuvent en évoquer d’autres. On croira reconnaître des vues microscopiques d’un organisme, la surface d’une pierre, les nuances du ciel, l’anatomie d’un tronc d’arbre ou encore une envolée de sable dans le désert.

Les œuvres de Mathias Mareschal renvoient toujours à des images et à des expériences issues du vivant. Les variations des couleurs et des matières font vibrer les formes émergeant de la toile ou de la pierre, notamment. L’abstraction initiale s’efface au profit de sensations renvoyant directement à la nature. Ses pièces nous transportent vers des terrains propices à la contemplation, vers des paysages qui sont comme autant de tremplins à la rêverie.

Et si c’est le paysage qui est effectivement au centre des préoccupations de Mathias Mareschal, il ne s’agit aucunement pour lui de le représenter. Ses œuvres naissent des éléments - matières, phénomènes physiques ou biologiques - que l’artiste manipule, assemble, expérimente. Ainsi, si nous pensons reconnaître le dessin de lichens sur des disques de grès (Sans titre, 2019), c’est en réalité le résultat de la cuisson d’une solution de jus de tabac, de vinaigre et d’oxydes. De même, ses Nuages (2023) sont les traces du sable projeté sur cette série de supports en papier ou toile métis. Dans ces jeux de matières, l’infiniment grand se confond avec l’infiniment petit. Les représentations naissent à la fois du geste de l’artiste, du hasard de phénomènes chimiques et mécaniques et des référentiels propres à celui ou celle qui regarde l’œuvre.

L’artiste a donc autant sa part que les matières qu’il utilise. Mathias Mareschal ne se voit pas comme un créateur omniscient ; ses propres actions adviennent au même titre que le reste. L’art et la nature ne faisant qu’un, il est ici celui qui impulse. Il va proposer, faire advenir. Et même chercher à se faire de plus en plus discret pour laisser opérer les différents phénomènes qu’il introduit.

Les Failles (2022) sont des pièces de grès qui présentent une palette de couleurs - noir, bleu, jaune - issues des sites dont elles sont les empreintes. Ces nuances proviennent de l’interaction de composants, de métaux, du calcaire de roches érodées ou encore de substances pharmaceutiques qui peuvent se trouver dans les eaux et dans la terre du littoral atlantique. Ces moulages réalisés dans les failles des falaises transportent les spécificités du lieu, fonctionnent comme des fragments - non prélevés - de leur milieu d’origine. Avec le moins d’intermédiaire possible, l’artiste mêle sa propre énergie au monde qu’il parcourt.

Les œuvres de Mathias Mareschal laissent transparaître des paysages par des détails, des indices ; plus globalement, elles évoquent et témoignent d’un état d’émerveillement. L’artiste transmet ce qu’il peut lui-même ressentir en marchant au bord de l’océan, dans le désert, dans la forêt ou les plaines… Il arpente ces espaces, les explore et chemin faisant affine la place qu’il y occupe et les relations qu’il entretient avec. De retour à son atelier, d’un geste le plus léger qui soit, il en révèle la poésie.