Les morts, 2018
Installation in situ avec des photographies d’archives originales de l’IFAN (Institut fondamental d’Afrique noire, Université Cheikh Anti Diop, Dakar, Sénégal)
Cinq encadrements et tablettes en chêne massif, cartels fictifs, impressions jet d’encre
Vues de l’exposition Ba mu amee ya ko fekke ?, Institut fondamental d’Afrique noire, OFF de la Biennale de Dakar, 2018
En 2017, je découvre une image d’archives dans les tiroirs poussiéreux de l’IFAN : une main blanche apparaît mystérieusement depuis l’intérieur d’un tronc d’arbre, en suspens au-dessus d’un crâne humain posé au sol. Au cours des années 1950 et 1960, des anthropologues français ont pillé les baobabs sénégalais pour étudier des squelettes enfouis dans leurs troncs creux. Au nom de la science, ces tombes réservées aux griots - historiens de moralité - ont été profanées irrémédiablement. L’installation présente des archives originales de la section « Archéologie » encadrées pour l’exposition, leurs légendes originales et celles que j’ai écrites, soulignant l’aberration des recherches anthropométriques de l’époque.
On dit : faire deux poids deux mesures. Un mètre est défini comme un dispositif destiné à obtenir expérimentalement des valeurs à une grandeur. C’est aussi, lorsque l’on parle de l’unité et non de l’objet, une abstraction dont la Convention du mètre est chargée depuis 1875 de surveiller la valeur. Seuls des européens ont dirigé le Bureau général des Poids et Mesures, qui depuis la création de la Convention du Mètre, s’occupe de réunir ses délégués tous les quatre ans pour décider de son évolution. Seuls 9 pays africains, sur les 99 pays signataires, sont représentés. Tous, pourtant, l’utilisent. Le Système international d’unités, élaboré par la Convention du Mètre, donne un nom, un symbole et une référence à sept unités de base, utilisées partout à l’exception des États-Unis, du Libéria et du Myanmar. Ils donnent ainsi une possibilité de mesurer le temps en secondes, les longueurs en mètres et les masses en kilogrammes. Alors, on peut parler d’ordres de grandeur.
La convention du mètre, cartel fictif pour l’archive C.72.67, photographie de Cyr Descamps, réalisée au Sud du barrage des Aigrettes à Bamako, Mali
On dit grandeur nature ou avoir la folie des grandeurs. On dit être de taille ou à la hauteur. Et aussi, regarder quelqu’un du haut de sa grandeur. C’est probablement avant tout une question d’échelle. Plus je suis loin plus la chose regardée me paraît petite. Plus je suis près, plus elle me dépasse. Indépendamment de sa taille réelle. L’échelle est le rapport entre la mesure d’un objet réel et la mesure de sa représentation. Dans la langue française, les expressions à petite échelle et à grande échelle sont en opposition avec cette première définition. Un ordre de grandeur est un nombre qui représente de façon simplifiée mais approximative la mesure d’une grandeur physique. Il est utile pour se situer. Ou choisir la gamme d’appareils de mesure à lui appliquer. La taille d’un être humain est sa hauteur, non sa grandeur.
Sa grandeur est une caractéristique esthétique se définissant comme un éclat prestigieux (puissance, autorité, gloire). Mais une grandeur désigne toute propriété de la science de la nature qui peut être mesurée ou calculée. La grandeur d’un homme peut-elle être mesurée ? On dit qu’elle peut être négative. On dit aussi, restaurer la
grandeur.
La grandeur, cartel fictif pour l’archive C.52.432, photographie de Koumbi Saleh et Aïoun el Atrouss, réalisée à Timbédra, Mauritanie le 19.12.51
Au retour de Dakar, le projet a été exposé sous une autre forme au musée d’Angoulême. Deux images extraites du livre dialoguent avec l’édition.
Vues de l’exposition Étais-tu là au moment des faits ?, musée d’Angoulême, 2018
Commissariat : François Delaunay et Colin Peguillan
Le livre d’artiste qui résulte de mon enquête mélange des documents conservés à Dakar et ceux rapportés par les scientifiques après l’indépendance au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Fragiles, les exemplaires exposés dans le cadre de cet échange à Dakar et à Angoulême (voir Discover !) se sont détruits par la consultation. Les deux autres ont été donnés aux fonds de l’IFAN ainsi qu’au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Textes : Anaïs Marion
Crédits photographiques : Anaïs Marion
© Adagp, Paris