La montagne est un de ces lieux où l’ensemble des possibles est imaginable. C’est sur ces hauteurs, exactement au loin sur les cimes accrochées à l’azur flottant, que se renversent les sens, que nos moyens se tordent et se tendent en d’autres formes, en d’autres images.
Et si du sommet, je n’en garde comme souvenir, que son contour, la forme de sa majestuosité, il ne me reste plus que son nom, écho des aventures passées sur son manteau neigeux et granitique. Résonnent alors les luttes contre l’espace, face à la Terre, ces fois où le monde s’inverse, où les fantômes accompagnent chaque pas ; ces instants infinis où la pointe du crampon brise la glace menaçant l’esprit de glisser dans les bas fonds crevassés ; où la nécessité d’arriver enfin au-dessus du vide, vous porte sur les nuages restés coincés bien loin de cette domination intime éphémère
Le projet se situe-là. Dans la sensation d’un retournement, d’un renversement du commun.
Les pages du livre de La Grande Crevasse, de Roger Frison-Roche (Arthaud, 1958), sont ainsi recouvertes partiellement de la silhouette des plus hautes montagnes du monde, dont le sommet pointe étonnamment vers le bas.
L’altitude mentionnée en bas de page est calculée à partir de la ligne de Karman, qui définit la limite entre la Terre et l’Espace. Cette frontière spatiale et immatérielle se trouve à 100 km (100 000 m) au-dessus de la mer, niveau zéro, à partir duquel les altitudes classiques sont calculées.
© Adagp, Paris