Le village des hommes (une résidence en résidence), 2017
Centre d’art contemporain de Meymac
Le travail de Laurent Kropf est conçu comme un système d’indices qui permettent au regardeur de comprendre l’endroit où il se trouve. L’œuvre agit comme un révélateur ou un condensateur de ce qui s’y passe. La proposition artistique est orientée vers le lieu par une fonction transitive, plutôt que centrée sur l’installation elle même. La dimension narrative est au cœur de son travail, nouant des liens avec le lieu de son inscription en esquissant une histoire fictive ou réelle, enrichie de références historiques et culturelles.
Le temps de la résidence est un temps court qui offre l’occasion de se décentrer, mais certainement pas de s’immerger. L’artiste en résidence reste un voyageur, ce qui ne signifie pas qu’il prête une attention superficielle à ce qui l’entoure, puisqu’il vient sur la base active d’un projet répondant à la spécificité du lieu qui l’accueille. Plus qu’un touriste et moins qu’un habitant, il est comme Candide qui, par ses questions, son regard, ses gestes, dévoile des formes, des émotions inscrites, enfouies, oubliées.
Dans un premier temps, Laurent Kropf a été décontenancé par le village dont le bâti semble montrer que son développement s’est arrêté à l’aube de la révolution industrielle. A la recherche de repères, il a collecté dans ses déambulations des images, des sensations, des odeurs qu’il a retranscrites, cristallisées, dans des propositions plastiques prenant des formes symboliques ou d’autres imitatives d’objets souvenirs.
Deux axes, aux Arques, structurent sa démarche marquée par l’idée de transmission : l’axe univers pariétal/spiritualité, dans une région parsemée de grottes ornées et de chapelles, l’axe de patrimoine/modernité puisque l’enjeu des « ateliers » est d’ouvrir par la création le village vers l’avenir afin d’y maintenir un patrimoine et une communauté.
Image symbolique et ambiguë de la rénovation : un bloc d’étain, reproduction moulée de la mairie (patrimoine), est recouvert par un auvent constitué d’une toiture moderne (maquette en plastique pour amateur de circuit de chemin de fer), posé sur une structure ouverte (moderniste) faite de fins IPN dorés. Rappel discret que l’intrusion ferroviaire a été l’un des facteurs du déclin des Arques.
Sur ce même plan d’une évocation ironique du lien entre modernité et patrimoine, Laurent Kropf reprend une œuvre de Mike Kelley faite de deux cônes superposés, pour donner à voir, par transparence, l’image d’une architecture de Théo van Doesburg.
Nostalgie proustienne, campagne=grand-mère=confiture : des tubes de néon vermiculaires, scellés sous vide (gage de conservation), formant des cercles comme des ondes brouillées, sont remplis d’une confiture de fraises.
Référence au monde pariétal : un tableau grotte, en deux parties superposées : l’une d’un rose calcique sur le devant est creusée d’une ouverture en étoile, l’autre bleue à l’arrière représentant le fond, porte une pierre rougie par les oxydes de fer (rappel de l’industrie minière disparue) et la silhouette d’une église marquée par le dessin de ses ouvertures.
Evocation de l’émigration rurale qui a vidé la campagne : deux autres tableaux montrent dans leur partie inférieure des traces de roues imprimées sur une flaque d’étain. Un sac à dos en toile écrue à la forme de la roue de charrette qu’il contient.
Chaque note du croquis des Arques que trace Laurent Kropf est empreinte d’humour. Ainsi encore de la référence au tourisme, nouvelle réalité économique du village : un billet de 00 euro, encadré, figurant la grotte ornée toute proche du Pech-Merle.
Jean-Paul Blanchet
commissaire de l’exposition
Vues de la mise en espace
L’esprit d’ouverture, 2016
peinture acrylique sur toile, billes de verre, 265 x 162 cm