La double dimension entre ce qui est précieux et ce qui contamine, ce qui soigne et ce qui détruit est au cœur du travail de Camille Benbournane. Le drame de la montée des eaux, de l’érosion des littoraux et plus largement du réchauffement climatique flirte toujours avec l’idée de résilience et d’utopie. À travers l’étude du littoral Atlantique, de ses transformations naturelles et des fantastiques résistances des stations balnéaires - qui s’accrochent inconditionnellement aux rivages comme pour observer la fin du monde - l’artiste nous parle de mélancolie, de ruines et d’espoirs.
Son travail se déploie sous formes d’installations comme une fiction post-apocalyptique qui se divise en chapitres. Le dernier volet de cette dystopie intitulée In Medio Aquae présente une sélection de céramiques confectionnées en terre de Brach provenant des grès médocains, une des dernières briqueteries de la péninsule.
Elles sont disposées sur des tables et sur des textiles abandonnés. Nous sommes en 2075. Des gens festoient autour d’un repas qu’est venue interrompre une forte tempête, arrachant tout et laissant pour seuls souvenirs des fragments. Les vestiges d’objets sur lesquels algues et coquillages sont venus se lover, sont entourés de perles de bijoux brisés, de nacres ramassées sur les plages et de débris de plastiques provenant de la pêche. Ils dessinent un monde à l’état de survivance.
Par le biais de la science-fiction, Camille Benbournane livre une analyse environnementale mais construit aussi un espace de survie et de possibles. Elle imagine sous forme de conte un futur territoire qui renaîtrait de la catastrophe. L’installation est accompagnée d’un récit sonore où les mots de l’artiste sous forme d’épopée nous parlent de la genèse d’une région, des mythologies qui la façonnent et des personnages qui les transmettent, le sourcier ou le capitaine de marine. La zone balnéaire, la grotte, la dune et les îlots sont comme les lieux d’un scénario de résistance dont les oeuvres seraient les témoins tangibles. La mer qui entoure et borde ces espaces est symboliquement l’élément liquide qui lie tout le travail. Elle incarne le conflit cher à l’artiste entre ce qui donne la vie et ce qui la menace, elle incarne la précieuse fragilité du vivant.