« I would prefer not to » [édition]

 

I would prefer not to, 2022 (buvard)
Edition réalisée avec le soutien du centre d’art La chapelle Jeanne d’arc, Thouars
21 x 29,7 cm, 100 pages, 100 exemplaires numérotés

 

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© Adagp, Paris

 

Des feuilles blanches sans quadrillage ni lignes. Une centaine de feuilles au format 21 x 29,7 cm, plus communément appelé format A4. Un portemine, sans doute de la marque critérium, un instrument ordinaire pour écrire ou dessiner dans lequel l’artiste a placé une mine de taille 0,7 : ni trop fine ni trop épaisse. Voilà pour les matériaux qu’il faut conserver à portée de main, au cas où il y aurait un peu de temps à combler pour créer l’ouvrage.
L’ouvrage ne désigne pas uniquement le livre à venir mais aussi tout un ensemble d’actes coordonnés grâce auxquels l’artiste met quelque chose en œuvre, effectuant soigneusement et sérieusement son travail. De l’ouvrage à l’œuvre il y a cent pages, toutes remplies de la même phrase : I would prefer not to, autrement dit je préférerais mieux pas ou quelque chose comme ça.
Se saisir du critérium, préparer la mine, toujours l’essayer sur la même page, trouver la page à finir ou à commencer, bien appuyer sur la mine afin qu’une trace lisible (ou pas) s’inscrive sur le papier. Un drôle de travail, mine de rien, mais un travail tout de même puisque sa finalité est de produire une œuvre. Un travail intentionnel. Un labeur fatigant qui consiste à reproduire cette même phrase vers un infini possible. La fatigue, cependant, ne gêne pas le travail ; au contraire, la tâche exige cette fatigue puisqu’en recopiant cette même sentence, il n’y a pour le copiste rien à penser. Juste écrire sans que l’intelligence s’en mêle et justement, c’est lorsqu’on est fatigué que les digues de l’intelligence commencent à se fissurer, laissant passer autre chose que des idées ou des pensées préconçues. I would prefer not to est donc l’ouvrage de la lassitude au travail, la fatigue aidant ayant fait son œuvre.
J’imagine fort bien l’artiste qui vient d’achever la centième page de son ouvrage, le travail de la fatigue s’est déployé jusqu’à son terme, ce travail accompli a disparu avec l’ultime tracé du dernier mot mais ce qui n’a pas disparu et qui est appelé à durer est précisément l’œuvre qui reste. Tel est le propre d’ailleurs d’une œuvre d’art : s’inscrire dans une durée pour mieux résister au temps. Endurer le travail de la fatigue pour créer une œuvre durable : tout un projet. Ce livre est le résultat de ce projet et de fait, s’il est étonnant il est loin d’être ridicule. L’artiste n’avait pas l’objectif de « tenir » cent pages en recopiant toujours la même phrase mais de mener à bien un projet qui lui tenait à cœur.
De quoi ce projet est-il fait ? Existe-t-il un décalage, une surprise entre ce qu’il était à son commencement et ce qui est advenu à sa fin ? Il faut aller voir de plus près. [...]

Pierre Truchot, « J’aurais préféré écrire I would prefer not to », 2022 (extrait)

Texte en préface de l’édition