Guide touristique de Mériadeck-les-Bains 2300/2301

{Guide touristique de Mériadeck-les-Bains 2300/2301}, 2020
Guide touristique de Mériadeck-les-Bains 2300/2301, 2020
Édition imprimée, 12,5 x 21 cm, 73 pages
Vue de l’installation du DNSEP, ebabx - école supérieure des beaux-arts de Bordeaux

 

Mériadeck-les-Bains est né d’une réflexion sur l’histoire du quartier bordelais du même nom, connu pour son architecture singulière. Marais aux portes de la ville de Bordeaux, le quartier de Mériadeck connaît plusieurs tumultes et légendes, souvent marginalisé, jusqu’à sa reconstruction, ou plutôt sa bétonisation après la Seconde-Guerre Mondiale. Le même plan de reconstruction, avec des architectes communs, est observé dans les stations balnéaires qui connaissent de nouvelles architectures semblables aux grandes villes.

En rapprochant les deux typologies d’architectures, Camille Benbournane imagine un nouveau récit d’anticipation du Mériadeck-les-Bains de l’an 2300/2301, un lieu qui aurait survécu à une fin du monde, une gigantesque inondation et une catastrophe nucléaire. Un récit social, écologique sur fond d’urbanisme et de bords de mer.
Sous la forme d’un guide touristique science-fictionnel, s’appuyant sur l’histoire chronologique réelle et en y intégrant des légendes, Camille Benbournane propose une vision d’une société nouvelle post-apocalypse, qui a dû s’adapter, survivre, dans un environnement qui garde les codes de l’architecture de la ville balnéaire. L’écologie, la montée des eaux, l’érosion, la pollution nucléaire et plastique, sont au cœur du récit.

Plusieurs formes issues du Guide touristique de Mériadeck-les-Bains 2300/2301 sont nées : des cartes postales, des costumes, un court-métrage et des volumes en céramique.

Auteurrice ?

 

 

La légende raconte que lorsque tout fut pris dans les eaux de l’Atlantique qui déferla sur les villes de la côte, on ne voyait plus que Mériadeck. La légende dit aussi, que lorsque tout fut englouti, il n’y eut que quelques êtres qui survécurent. Ces êtres dit-on étaient humains, de pauvres âmes qui se trouvaient sur les dalles de Mériadeck quand tout fut anéanti. On n’explique pas ce qu’elles faisaient là, ni pourquoi elles ont survécu, pas plus qu’on ne sait pourquoi les autres périrent. Ce que l’on sait en revanche c’est qu’elles ont évolué, trouvé des moyens de s’adapter.

Les conditions de vie sur Mériadeck étaient devenues semblables à celles des côtes, des zones où alternaient humidité et sécheresse. Certains disaient que les créatures qui avaient survécu ici étaient devenues des êtres hybrides, mi-humains et mi-crustacés, entre algues et poissons. Certains racontaient que leur moyen de reproduction passait par l’échange entre eux d’un poisson, qui ressemblait incroyablement à un phallus. Et on disait que c’était comme cela que la vie se perpétuait sur cet îlot isolé.

On racontait que tous étaient hermaphrodites et que des œufs géants étaient retrouvés accrochés entre les zones d’eau et les zones sèches, en dessous des terrasses de Mériadeck. Des grappes d’œufs, gros comme des pastèques dansaient dans les profondeurs et à la surface des eaux tourmentées de la cité. D’autres disaient avoir aperçu ces mêmes œufs éclore, et que ce qui en sortait était une sorte d’anémone, d’algue de plastique, aux membres proches de ceux des Humains. Ils les nommaient Nymphes, Sirènes ou bien Démons.

Les gens qui naviguaient non loin de Mériadeck n’osaient s’approcher de l’île. Et c’était à distance que l’on observait cette vie « extraterrestre ».

D’autres affirmaient avoir retrouvé des œufs échoués sur les plages les lendemains de tempêtes, mais souvent personne ne les croyait, prenant leurs découvertes pour de simples Anatifs Nucléosis, une espèce cousine des Anatifs aussi appelés « pouces pieds », communs en Atlantique.

Ils disaient que le béton et la pierre étaient devenues vivants, que cette cité autrefois dure et monumentale, respirait maintenant et battait au rythme d’un cœur qui avait été autrefois le sien, il y a fort longtemps.

D’autres disaient que ce lieu était possédé par le diable et les sorcières et que c’était pour cela que l’homme n’avait jamais réussi à le discipliner, à l’apprivoiser ; que c’était pour cela que Mériadeck avait survécu quand les autres avaient péri. Ils ajoutaient qu’auparavant, au temps des tours et des dalles dures, il n’y avait ni chair ni âme, mais que maintenant la cité était vivante, composée de milliers d’organismes. Elle était devenue grouillante de vie.

Enfin, c’est ce que raconte la légende. […]

Extrait du Guide touristique de Mériadeck-les-Bains 2300/2301

 

Crédits photographiques : Camille Benbournane