Creux, samples et soleil

Creux, samples et soleil est la 2^e exposition du projet Creuser porté par Laura Freeth et Kevin Chrismann, dans lequel Matthieu Sanchez a été invité à travailler, tout comme Robin Fernet.

Depuis que Kevin et Laura ont entendu parler d’une moissonneuse batteuse enterrée sur une propriété agricole il et elle ont eu l’intuition de creuser, de faire des trous. Fouiller dans le sol comme des chiens qui auraient laissé faisander un os ou comme des explorateurs qui auraient besoin de sentir la terre sur laquelle ils voyagent.

Ils entretiennent un rapport fréquent et assidu au paysage et aux personnes le façonnant. Ils font des trous mais ils fouillent aussi en parlant, en discutant avec des usagers du paysage et avec des agriculteurs qui héritent de pratiques et qui le construisent. Ils cherchent dans la mémoire déclarative les matières avec lesquelles ils construiront leur futur et répondront à leurs questions existentielles. Les formes creuses qui émergent de cette enquête sont autant de réceptacles à histoires qui se remplissent et se transforment. Saverdun est leur nouveau terrain de jeu et les protagonistes sont ses paysans et les artistes des ateliers DLKC.

Texte de l’exposition

"Poussière peur et fête, du blé se mélange à la pluie. Les machines tournent le champ, c’est ici que tout commence deux ans plus tôt, un an deux trois silos. Max râle au bout de son échelle, la trieuse va redémarrer et c’est dans le vent, quand tout concorde, qu’il raconte une histoire dont il n’est pas sûr. Trois ans. Un bout de route, une voiture crevée, des vieux objets, on se gare là où on pense être le rendez-vous. Bruits de portières, ielles marchent mallettes à la main, deux enquêteurices."

"Pour elle c’est la raison, pour elle. Sa famille, les terres, le feu, « on n’enterre pas un outil comme ça. » Le sifflement vient les chercher, elle prend la bouilloire, on met la fumée dans les tasses. Au printemps à travers le carreau les vieux chemins réapparaissent dans les champs, le fantôme de l’ancien parcellaire, tout remonte. On le note encore : tout remonte."

"Un terrain une maison, en bas du chemin un bout de terrain englouti avec un toit de cabane qui dépasse de l’eau.
Ielles cherchent un rond de terre grise, de l’herbe déjà brûlée. Des pas et du silence, dans le silence des oiseaux. Dans une grange, des pelles bien des pelles pétées.

Ielles se relaient. Un trou dans le sol, un trou dans les mains, l’écho sur le versant en face - de la terre à nous - sans arbre. Les champs sont des dunes.
Ça glousse, Kevin trouve un ver de terre. Le trou est rond avec une tranché pour l’air, la terre est bonne on dirait de l’argile chamottée. Un tapis de briques, la forme en terre sèche sous un nid de bois, trois ballots de paille aux quatre coins, un petit filet blanc fume au-dessus de la terre, Kevin veille une cuisson fragile. Fagot par fagot, incertains dans la méthode, bois après bois, feu.
Le bois claque, Laura chantonne le menu du soir, des flammes menacent le vent, les bois se soulèvent. Faudra que ça refroidisse une nuit.

Un trou un feu."