Des nuages, des figures, des méandres, de haut en bas, j’exécute des loopings mentaux ; arrivé à l’azimut je coupe les gaz et je tombe comme une plume de plomb. La stabilité est mon ennemie, avec mes cent cinquante kilos je flotte à la surface de mon âme ; tout en surface je me sens incapable d’entrer à l’intérieur de ce qui me semble la vie et je rôde inquiétant, inquiété autour de cette ovule rassurante.
Détaché de la réalité, je construis une structure qui ne tiendra qu’immergée dans le faux. Chacune de ses poutres n’est qu’une allumette qui flambe et j’auto, je m’autoconsume.
Balancé entre volonté et laisser-aller, j’agence un corps fluctuant aux désenchantements. Lourd et fragile, mon pas précaire cite le nord de mes exigences vers d’autres directions. Je ramasse mes doigts comme autant de mégots fanés ; dessinant l’ombre de ma main sur la poitrine invisible, la vapeur dépose ses gouttelettes condensées d’amertume. L’eau balaye le trottoir de mon ennui mais la trace reste imprimée ; et la douce caresse liquide ne fera que passer. Pour un instant seulement elle offre sa tendresse bienveillante au béton de mes émotions.
Je n’attends rien ou rien ne m’attend. Précieux est le temps de la désillusion car après vient le vide oppressant de silence et mes cris muets résonnent contre la paroi imperméable de mon crâne. Au dehors tout est calme sous mes nuages d’étain.
Jean Bonichon