Patrimoine violenté, patrimoine valorisé ?
[...] Chantal Raguet ausculte au plus près saynètes et bergeries pour y opérer quelques grattages, repeints ou corrosifs détournements. Aux figurines convenues, tirées d’un Watteau ou d’un Fragonard, elle oppose, par endroits, d’innatendues alternatives qui, à côté des motifs d’origine, prennent valeur contestataire. Là une ménagère, telle une Diane chasseresse, pousse un chariot de supermarché, ailleurs un rivage marin bucolique connait la marée noire, ou encore, un couple d’amoureux s’enlace au jardin botanique de Bordeaux. Enfin, la projection en vidéo, à même la toile, de scènes d’actualités, vient donner vie à ce palimpseste moderne. L’artiste n’a de cesse de traquer l’image mouvante et toujours actuelle, venant en quelque sorte conjurer le temps figé de l’iconographie initiale.
Trouvera-t-on à redire aux « ennoblissements impurs » de Chantal Raguet, apportés à une toile commune, imbriquant styles, époques et sources diverses ? Ne transforme t-elle pas un produit manufacturé en un spécimen unique ? N’imprime-t-elle pas au décoratif, longtemps décrié, le sceau de l’art contemporain ? [...]
Roselyne Giusli-Wiedemann
Extrait de « La Folie des Indiennes »