Ateliers

Les ateliers

1961-1965

Mon premier atelier en Suisse était situé dans un entresol de la maison de mes parents. Relativement bien éclairé par des soupiraux, il y avait une cheminée à bois pour le chauffer en hiver. Etudiante à l’Ecole des Beaux-Arts de Lausanne, c’était un privilège d’avoir un endroit pour travailler. J’y donnais des cours privés et y recevais aussi mes amis.

1965-1968

C’est dans une des chambre de notre appartement que j’ai installé mon deuxième atelier. Je n’avais pas beaucoup de place pour travailler car notre lit occupait la moitié de l’espace, mais à ce moment là je ne peignais pas de grands tableaux.

1968-1974

J’ai partagé le troisième avec Alexandre Delay. C’était un grand atelier conçu comme tel avec un sol en petits pavés de bois posés sur une chape de béton. Les fenêtres étaient assez petites, mais avec vue sur le lac Léman et les montagnes. C’était très beau l’hiver car, malgré le grand avant-toit, la lumière relayée par la blancheur de la neige, pénétrait jusqu’au fond de l’atelier. J’ai néanmoins eu beaucoup de mal à y travailler ; la maison était très grande, nos enfants étaient petits, j’enseignais et étais peu disponible pour mon travail. Après notre départ pour la France, j’ai gardé cet atelier jusqu’en 1996 afin d’y préparer les expositions que je faisais en Suisse.

1974-1976

Lorsque nous sommes arrivés en France, nous habitions une toute petite maison. Dans ce quatrième atelier commun je ne pouvais travailler que quand Alexandre ne l’occupait pas. Il réalisait alors un travail très soigné de dessin sur papier japon marouflé sur photographie alors que je dessinais avec des pastels secs. Quand je manipulais ces grandes feuilles de papier kraft ou fixais le dessin, je soulevais une poussière colorée qui se répandait dans la pièce - ça n’allait pas !

Cinquième atelier : « une chambre en ville »

Pour moi seule enfin...mais je m’y rendais rarement. Soit je n’avais pas de voiture, soit ma mobylette était en panne et il fallait toujours courir pour chercher les enfants à la sortie de l’école. Je ne l’ai pas gardé longtemps.

1976-1981

Nous avons changé de maison. Celle-ci un peu plus grande nous a permis d’avoir chacun un espace pour travailler. Ce sixième atelier mesurait à peine quatre mètres sur trois. Je travaillais au sol et sitôt le dessin terminé, je l’accrochais au mur pour le voir avant de le rouler et d’installer au sol un nouveau support.

1981-1986

Le septième atelier fut aménagé dans une dépendance à l’extérieur, au nord de l’habitation. Je m’y sentais plus libre, moins près des bruits de la maison, des sollicitations de la vie domestique, de la famille. L’espace n’était pas très grand, je ne pouvais faire qu’une peinture à la fois car celles-ci mesuraient parfois plus de trois mètres sur trois. Les murs en pierre étaient humides ; il y avait souvent des gouttières, beaucoup d’insectes (papillons, mouches, araignées, frelons...). A l’entrée, sous une grosse pierre masquant l’évacuation d’eau, un crapaud devenu familier me tenait compagnie. J’ai aussi travaillé dans le pré devant l’atelier. Au bout de ce pré il y avait un grenadier aux fleurs et aux fruits superbes.

1986

Alexandre était parti pour une année à la villa Médicis à Rome, j’ai donc occupé son atelier. Dans ce huitième atelier au sud de la maison de plein pied, dont le sol était du parquet, je retrouvais un certain confort et y ai beaucoup travaillé. Les enfants étaient plus grands et malgré mon activité d’enseignante, j’avais suffisamment de temps.

1987-1990

A son retour de Rome, j’ai déménagé dans un nouvel endroit de la maison - la « chambre d’amis » - à côté de la cuisine. Ce neuvième atelier était situé à l’ouest et la lumière de l’après-midi y était très belle. Devant la fenêtre, il y avait un vieux tamaris et le pré des chèvres.

1990-2008

Nous avons acheté une maison qui comportait deux bâtiments : la maison d’habitation et une dépendance constituée d’une ancienne étable et d’un couvert pour les machines agricoles. Quelques aménagements nous ont permis d’avoir chacun un atelier. Je me suis installée dans l’étable et ce dixième atelier fût le plus beau que j’aie eu jusqu’ici. Proche mais à la fois séparé de la maison, avec de belles fenêtres donnant sur la campagne environnante.

Depuis 2008

L’atelier que j’occupe actuellement a été conçu en collaboration avec une architecte qui a planifié la transformation de notre habitation de Bouliac en 2008. Situé dans notre maison, l’atelier est mon espace de travail mais aussi un lieu de vie, d’échange, de réflexion, de lecture et un point de vue sur l’extérieur.
C’est un terrain d’observation grâce aux différentes fenêtres de grandes dimensions qui donnent sur le jardin et la forêt de part et d’autre de l’atelier. La fenêtre laisse entrer la lumière et permet au regard de s’échapper. Elle cadre, elle met en scène le dedans comme le dehors, c’est un sujet récurrent dans l’histoire de la peinture.
L’atelier est un lieu vivant et chaque jour différent. Les tableaux sont déplacés pour faire place à d’autres. Ils quittent l’atelier pour être montrés lors des expositions. Ils reviennent à l’atelier et déposés dans l’espace réservé à leur rangement et à la conservation des recherches, dessins et tableaux plus anciens. Certains tableaux bien heureusement rejoignent l’espace privé de quelques collectionneurs ou collectionneuses ainsi que certaines collections publiques. 

Maya Andersson